Si on devait demander à des non-catalans, quelle est la langue officielle de la Catalogne, on pourra s’attendre à ce que la plupart réussissent à en nommer deux. On peut aisément comprendre que le catalan et l’espagnol jouissent toutes les deux du statut de langues officielles. Mais très peu peuvent soupçonner que dans son statut de 2006, la Catalogne reconnaît effectivement trois langues officielles sur son territoire. Pouvoir nommer la troisième serait un exploit en soi. Il s’agit de l’occitan ou l’aranais parlé dans le Val d’Aran, un petit territoire de 620 km2 tout près de la frontière française. Dans ce territoire habitent à peine 8000 personnes dont seulement 62% savent parler l’aranais et, pire encore, à peine 27% savent l’écrire. Il s’agit donc d’une langue très minoritaire. En regardant cette situation de l’extérieur on peut se poser beaucoup de questions, à savoir pour quelles raisons est-ce que la Catalogne a reconnu cette langue comme officielle. Étant donné qu’elle est la langue d’usage dans un territoire bien défini et circonscrit, la Catalogne aurait pu simplement reconnaître que l’aranais existe et permettre que cette langue ait une valeur légale dans ce territoire sans pour autant l’élever au rang de langue officielle. Mais elle a choisi volontairement de la rendre officielle et comme tel, l’occitan est officiel dans tout le territoire catalan.
Si on fait une comparaison avec d’autres juridictions, la reconnaissance de l’aranais paraît une anomalie. Dans le territoire autonome de Asturias, la langue locale est l’asturien, aussi nommé bable. Cette langue est parlé par au moins 100,000 asturiens.1 Pourtant elle ne jouit pas du statut de langue officielle à côte de l’espagnol. Au Québec aussi, l’anglais est la langue d’usage habituelle de 20% de la population, mais elle n’a pas le statut de langue officieIle même si le gouvernement québécois rend des services en anglais à ceux qui en font la demande. Sur le territoire québécois, ils existent plusieurs langues amérindiennes mais évidemment aucune d’elles n’a de statut officiel; elles sont utilisées uniquement à l’intérieur des territoires autochtones.
À part du Val d’Aran en Catalogne, l’occitan est parlé en France, en Italie et à Monaco mais aucun de ces pays ne le reconnaît comme langue officielle. Selon le census de 1996, en France 526,000 personnes parlent l’occitan principalement dans le Midi. 2
À la lumière des exemples ci haut cités, il est légitime de se demander, quel sentiment a poussé la Catalogne à poser ce geste et faire de l’aranais sa troisième langue officielle en 2006. Est-ce par souci de justice et d’équité? Reconnaît-elle dans le Val d’Aran et ses habitants ce qu’elle a vécu dans l’Espagne de Franco? Est-ce par générosité d’esprit, par une politique d’ouverture et d’inclusion qu’elle a ainsi offert une place d’honneur à cette langue historique? Était-ce pour protéger une langue identifiée par l’Unesco comme étant en voie de disparition? 3
Cela fait beacoup de questions qui meritent d’être explorées davantage.
Peter Esposito
- http://es.wikipedia.org/wiki/Lengua_asturiana (21/01/2012)
- http://ca.wikipedia.org/wiki/Occità (21/1/2012)
- http://es.wikipedia.org/wiki/Idioma_occitano (21/1/2012)